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Proposition d’écriture Michel AZAMA

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lundi 22 juin 2020
par Michel AZAMA


Proposition d’écriture Michel AZAMA

Proposition 1

Être perdu, se retrouver
(sous forme de dialogue, de chœur ou de récit)

Écrire, à la deuxième personne, un monologue dont chaque paragraphe commencera par un âge, avec obligation d’utiliser au moins dix verbes inventés, à partir des deux mots « Vivre, vieillir ».
OU BIEN
un dialogue entre un personnage adolescent et un vieillard, toujours à partir des deux mots « Vivre, vieillir ».

TEXTE À LIRE

Extrait de « Les épiphanies » d’Henri Pichette, 1924

Ce texte, joué par Gérard Philippe et Maria Casarès, fut une révélation. (il date de 1948)

Néanmoins, la vie sera élucidée.
Car, à vingt ans, tu optes pour l’enthousiasme, tu vois rouge, tu ardes, tu astres, tu happes, tu hampes, tu décliques, tu éclates, tu ébourriffes, tu bats en neige, tu rues dans les brancards, tu manifestes, tu lampionnes, tu arpentes la lune, tu bois le lait bourru, le vin nouveau, l’alcool irradiant, tu déjeunes à la branche, tu pars à la découverte, tu visites l’air, les champs, les ruines, les métropoles, les stades, les musées les églises et les jungles, les arènes, les volcans, les chutes les fjords, les oueds les lagunes, les bayous, les canyons, les toundras, les déserts, les grands salles des châteaux, les jardins suspendus, les pyramides, les mégalithes, les catacombes les cavernes ornées les blanches montagnes, les théâtres étoilés la mer océane, tu bolides, tu pagaies, tu varappes, tu dribbles, tu crawles, tu voles à voile, tu hameçonnes les filles, tu t’amouraches, tu gamahuches, tu renverses la vapeur, tu déploies les couleurs, tu dérides les bonzes, épouvantes les bigotes, scandalises les vieux birbes, tu convoles un jour dans l’infanterie, un jour vers les oiseaux-lyres, les aigles-buggles, les cygnes au cri de cuivre, un jour avec les clartés furieuses, les splendeurs d’ombre, la nature, tu idéalises, tu ambitionnes, tu adores, tu détestes, tu brilles.

À quarante ans, je te retrouve rongeant ton frein, tu fondes sur la sympathie, il y a un cerne noir à toute chose, tu déshabilles du regard, tu convoites, tu prémédites, tu disposes tes chances, tu te profiles, tu places ton sourire, tes phrases, tes bouquets, tes collets tes canapés, tu estimes, tu escomptes, tu commerces, tu carbures à prix d’argent, tu te pousses dans les milieux, tu médis du tiers et du quart, ou tu fais du plat selon le rang, tu arroses, tu polichonnes, tu prends du ventre, tu prends des mesures, tu prends médecine, tu te mets au vert, tu récupères, tu remets ça, tu enrobes et te lises le cheveu, tu ne veux pas avoir l’air, tu opères comme en glissant, tu serpentes, tu attaques par le faible, tu escarmouches à petits coups de champagne, tu endors les chagrins, tu tamises les lampes, tu officies sous le manteau de la nuit...mais se réveiller la grisaille la routine les manigances les vacheries...comme tu voudrais un jeu neuf ! Que, s’il te l’était donné, tu laverais les sons, ressourcerais les images, procéderais à la toilette des muses, des grâces, des bonnes fées, or tu dissèques, tu calcules, tu cogites, tu épilogues, tu fais silence.

À soixante ans tu dates, tu radotes, tu perds la main l’ouïe, les dents, le cœur te faut, les jambes te flageolent, tu tombes en faiblesse, encore un peu et tu retombes dans une enfance touchée à mort.

Proposition 2

Écrire un dialogue, un monologue ou un chœur

À vous de choisir entre les trois voies possibles :

  • Dialogue : entre deux adolescent (es) dont l’un est en fugue, perdu dans la ville, et que l’autre vou-drait aider sans savoir trop comment...
  • Monologue : celui (celle) qui parle de ses peurs (famille, école, copains, amours, le futur, autres). À qui s’adresse-t-il ? À lui-même ? À un autre, absent ou mort ? À vous de voir. Le monologue est une parole adressée même si la personne à qui on s’adresse n’est pas visible et ne peut donc répondre.
  • Chœur : un groupe d’adolescent(es) perdu dans une ville inconnue. La nuit tombe. La personne qui les guidait a disparu. Ils cherchent ensemble une issue, expriment un désarroi, une angoisse, ne sa-vent pas s’ils peuvent encore espérer le retour de leur guide...

Le théâtre c’est toujours le face à face. Face à l’autre, présent ou absent, ou face à soi, l’ennemi intérieur.
J’espère que ces remarques vous aideront à "faire théâtre".

TEXTE À LIRE

Extrait de Les aveugles de Maurice Maeterlinck, 1890

Maurice Maeterlinck (1862-1949) prix Nobel en 1949, écrit des drames symbolistes, pièces courtes et denses, qui étonnent encore aujourd’hui par leur singularité et leur modernité.

« Les aveugles » est un chœur de douze aveugles perdus dans une forêt (« saules pleureurs, cyprès et autres arbres funéraires » dit l’auteur dans la didascalie initiale) située qui plus est, sur une île marécageuse entourée par la mer en tempête, et la nuit va tomber... Leur guide, un prêtre, est le seul qui pourrait les ramener dans l’hospice où ils vivent, mais il a disparu. En fait, la première didascalie nous apprend qu’il est mort, et que son corps est à l’avant-scène, mais les aveugles l’ignorent alors que le public le voit. C’est ce qu’on appelle « l’ironie dramatique ».
Ils sont tous différents, hommes et femmes, jeunes et vieux, aveugles par accident ou de naissance, et l’une d’entre eux a un bébé dans les bras...

(On peut lire la pièce entière en tapant sur internet « les aveugles, Maeterlinck ». Avec photos et vidéos de diverses mises en scène. Recherche et lecture recommandées.)

Plutôt que l’extrait d’un seul tenant, j’ai choisi un petit montage de divers moments...

1er – Il ne revient pas encore ?
2ème – Vous m’avez réveillé !
1er – Il ne revient pas encore ?
2ème – Je n’entends rien venir.
3ème – Il est temps de rentrer à l’hospice...
Le plus vieil aveugle – Quelqu’un sait-il où nous sommes ?
La plus vieille – Nous avons marché longtemps. Nous devons être très loin de l’hospice.

1er – Savez-vous où est allé le prêtre ?
3ème – Il me semble qu’il nous abandonne trop longtemps...

2ème – Sommes-nous au soleil, maintenant ?
6ème – je ne crois pas. Il me semble qu’il fait très noir...

6ème – L’hospice est de l’autre côté du grand fleuve. Nous avons passé le vieux pont. Il nous a conduits au nord de l’île. Il se peut que nous soyons dans la forêt qui entoure le phare. Mais je n’en connais pas l’issue... Quelqu’un veut-il me suivre ?
1er – Restons assis ! Attendons ! Il reviendra, il faut qu’il revienne !

Le plus vieil – Je crois que nous allons mourir ici !
La plus vieille – Quelqu’un viendra, peut-être …
1er – Les religieuses sortiront de l’hospice...
2ème – Les hommes du grand phare nous verront …
Le plus vieil – Ils ne descendent jamais de leur tour …
3ème – Ils nous verront du haut de leur tour …
La plus vieille – Ils regardent toujours du côté de la mer...

Le plus vieil – Est-ce un bruit de pas ?
1er – Peut-être la mer dans les feuilles mortes ?
La plus jeune – Non, non, écoutez, ce sont des pas ! Écoutez ! (Au bébé) Que vois-tu ? Que vois -tu ? Il voit, lui, il voit ! Il doit voir quelque chose d’étrange ! Écartez vous ! Écartez vous ! (Elle élève l’enfant au-dessus du groupe d’aveugles) Les pas se sont arrêtés parmi nous !
La plus vieille – Ils sont ici ! Parmi nous !
La plus jeune – Qui êtes-vous ?
La plus vieille – Ayez pitié de nous !

(Fin de la pièce).

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